Le blog de l'imam Abdallah (France)

Simplifier l'islam pour les francophones

Cours d’initiation à la jurisprudence musulmane (Introduction au Fiqh)

Introduction au Fiqh

 

Fiqh signifie littéralement « réflexion, compréhension, intelligence, sagesse »

Il peut être traduit par « la jurisprudence » ou « la science de la Loi ».

Le Fiqh se divise en deux grandes parties :
  • Fiqh Ibadat (Les actes d’adoration et les règles cultuelles), il comporte : La propreté, la Salat, la Zakat, le jeûne et le pèlerinage.

  • Fiqh Mouamalat (Le comportement civil), il comporte : les rapports contractuels de toutes sortes (droit civil, droit commercial, les pénalités, la diplomatie...

Les commandements et interdictions sont classés en cinq catégories :

 

  • Le devoir obligatoire (Wajib)
  • Le recommandé (Moustahab)
  • Le licite (le permit ou le neutre) (Moubah)
  • Le déconseillé ou le blâmable (Makrouh)
  • L’interdit (Haram)
Les sources du fiqh:

Les sources principales:

  1. Le Coran est la parole authentique d’Allah (U) révélée à Son prophète Mohamed (r) au cours de sa mission prophétique qui a duré 23 ans. Pour les musulmans, le Coran en tant que Parole authentique d’Allah (U) représente la source par excellence des notions de vérité, de droit et de justice. Le Coran contient plus de 500 versets et 228 dispositions juridiques.
  2. La Sunna est un terme qui recouvre les paroles, les actions et ses approbations du Prophète (r). Elle est la deuxième source de droit. ( Prenez ce que le messager vous donne ; et ce qu’il vous interdit, abstenez-vous en ) Coran 59/7 ( Ceux qui obéissent au messager obéissent à Dieu ) Coran 4/80

Les sources secondaires.

  1. Al-Ijma’ (consensus) est l’accord des juristes musulmans intervenu à une époque donnée après le décès du prophète (r) sur un point particulier.
  2. Al-Qiyâs ou le jugement selon l’analogie juridique.
  3. Al-Istihsân le jugement préférentiel du Faqih (juriste).
  4. Al-Istislah ou le jugement sans précédent motivé par l’intérêt général auquel ni le Coran ni la Sunna ne font explicitement référence.
  5. Al’Urf la coutume ou l’usage d’une société particulière, tant au niveau de la parole que de l’action ou du rejet d’une pratique.
  6. Al’Istishab le principe de continuité jusqu’à qu’un changement explicite est constaté.
  7. L’avis des compagnons.
  8. Les législations des religions précédentes.
  9. L’interdiction de prévention.
  10. La pratique des habitants de Médine.
L’Idjtihad  (L'effort d'interprétation des textes fait par les savants spécialistes)
  1. Une bonne partie des textes ont un caractère équivoque c’est-à-dire que leur compréhension nécessite un effort de réflexion et d’interprétation, ce qui offre à l’Homme la possibilité de contribuer à l’élaboration du droit. Cette interprétation, quelle que soit sa pertinence, n’est jamais définitive, elle est sujette à des changements fréquents en fonction de l’évolution et des besoins des sociétés humaines. 
  2. Les preuves juridiques sous forme de textes (Coran ou Sunna) contiennent énormément de subtilités qui ne peuvent être appréciées à leur juste valeur que par un savant ayant atteint le plus haut niveau de la science. 
  3. Le fait de se référer directement aux sources pour prendre une décision constitue un Idjtihad. L’Idjtihad est l’effort intellectuel propre à chaque savant. Il est fortement encouragé par l’islam. 
    L’Idjtihad n’est pas un total libre examen, mais d’une recherche personnelle guidée.
  4. On considère généralement que durant les deux ou trois premiers siècles de l’Hégire fut pratiqué l’Idjtihad « absolu » (celui des grands fondateurs du Fiqh). Une fois les écoles juridiques constituées, l’ldjtihad devint relatif et ne s’exerça plus qu’à l’intérieur d’une même école. Plus tard, on se limita à la simple acceptation passive (taqlid) des règles d’école. La recherche personnelle fut alors remplacée par l’élaboration de recueils de décisions, sans aucune indication des preuves utilisées. 

 

Les écoles juridiques
  • Du temps du Prophète (r), les problèmes de droit étaient réglés directement par lui. Puis, durant la période suivante, les problèmes nouveaux en nombre limité étaient résolus par les compagnons en se référant au Coran et à la Sunna et à ce qu’ils ont appris du Prophèter. Mais au fur et à mesure, le besoin d’une science du droit s’est fait ressentir. Les premiers spécialistes vraiment connus en jurisprudence religieuse vivent au 1er siècle de l’Hégire, les premières écoles apparaissant au 2ème siècle. Ces spécialistes et les écoles qu’ils ont fondées ont peu à peu défini, clarifié et précisé les notions et principes qui gouverneront le Fiqh dans une science appelé « Ousoul Fiqh » les fondements de la jurisprudence islamique. 
  • Plusieurs écoles juridiques ont vu le jour durant le deuxième et le troisième siècle de l’Hégire dont quatre les plus célèbres: l’école de Abou Hanifa (Hanafite), l’école de Mâlik (Malikite), l’école de As-shafei (shaféite) et l’école de Ibn Hanbal (Hanbalite).
  • Ces écoles s’abreuvent des mêmes sources et visent les mêmes objectifs. Loin d’être des entités sectaires ou schismatiques, elles s’inspirent les unes des autres et se complètent.
  • Le Coran et la Sunna sont les deux sources communes à toutes les écoles. Certains imams tels que Abou Hanifa, n’admettent que le hadith authentique, alors que d’autres comme Ahmad ibn Hanbal privilégient le hadith inauthentique à l’opinion personnelle.
  • Les principales différences entres les écoles juridiques proviennent du fait que les sources secondaires n’ont pas la même importance.

 

L'école Hanafite (Abou Hanifa: 80-150/703-767)

Abou Hanifa Noumane ibn Thabit, d’origine persane, est né à Koufa (Irak) en l’an 80. Il faisait le commerce de la soie et réussit parfaitement dans ce domaine. Il abandonna le négoce pour s’occuper des études auprès de grands savants notamment Hammad ibn Soulayman. Après la mort de son maître, il prit sa place avec l’accord unanime des gens de Koufa. Il devint leur jurisconsulte. Il était le premier à avoir inscrit et classifié le Fiqh en chapitres et en sections tel que nous le connaissons aujourd’hui. Il était réputé pour sa piété, sa sincérité et sa générosité. Abou Hanifa était aussi un homme courtois, qui parlait très peu. Il priait beaucoup la nuit et récitait le Coran. On dit qu’il faisait la prière du Fajr avec les ablutions du ‘Isha pendant quarante ans. Quelqu’un l’a insulté pendant qu’il donnait un cours, il continua le cours sans se tourner vers lui ni lui répondre. Après le cours, l’homme le poursuivit en l’insultant jusque chez lui. Avant de rentrer à la maison, l’Imâm lui dit: « Là est ma maison, s’il te reste encore quelque chose à dire, dis-le avant que j’y entre ». Le Calife Marwan ibn Mohammed lui proposa le poste de ministre du Trésor, il refusa de crainte d’être complice des injustices commises par les gouverneurs. Il fut emprisonné pendant quinze jours et tabassé. Quand il sortit de la prison, il s’exila à la Mecque et ne retourna à Koufa qu’après la chute de la dynastie des Omeyyades.

Son école juridique (Madhab): Son école se base sur les sources suivantes:

  • Le Coran
  • La Sunna authentique
  • Le consensus des compagnons. S’il y a un désaccord parmi les compagnons, il adopte l’opinion la plus proche des principes généraux du Coran et de la Sunna. Il exige que le hadith soit suffisamment célèbre pour l’admettre. En l’absence de consensus des compagnons, il recourt à sa propre opinion ou son jugement personnel.
  • Le raisonnement par analogie.

 

Basée sur la réflexion et l’opinion, sa méthode consiste à rechercher le but et l’esprit de la norme et non pas l’énoncé ou la lettre. Son école a la réputation d’être l’école de l’opinion. Elle est répandue en Irak, en Syrie, en Afghanistan, au Pakistan, en Iran, en Inde, à l’île de la Réunion, en Turquie et une grande partie de l’Egypte.

L’imam Abou Hanifa privilégie l’analogie au Hadith authentique quand il s’oppose à un autre Hadith. C’est pour cette raison qu’il fut l’objet de critiques de la part des gens du Hijaz, les spécialistes du Hadith arguant du fait que si l’on insiste trop sur le motif et la signification de la règle, on devient des législateurs rationalistes au lieu d’adorer Dieu en se conformant strictement au précepte. L’école d’Abou Hanifa est la plus répandue et la plus tolérante du fait qu’elle insiste beaucoup sur l’activité de la raison sans porter atteinte ni à la lettre ni à l’esprit des textes. Abou Hanifa se sert de l’opinion et de l’analogie plus que les autres Imams.

 

L'école Mâlikite (Mâlik: 93-179/717-801)

Mâlik ibn Anas est un Arabe, né à Médine en l’an 93 et y résida jusqu’à sa mort en l’an 179 H. Son grand-père Abou Ameur fut un fidèle compagnon du prophète et mena plusieurs batailles avec lui. Il a étudié auprès des disciples des compagnons jurisconsultes et Mouhaddithoun (spécialistes du Hadith). Sa qualité d’Imâm jurisconsulte et Mouhaddith est attestée par ses maîtres. Ces derniers l’autorisèrent à enseigner et à délivrer les Fatwas dès l’âge de 17 ans. Confit dans une piété ascétique, Mâlik était un homme modeste, bienveillant et plein d’amour pour le Prophète Mohamed (r), si bien que par respect à sa mémoire, il n’a jamais enfourché une monture à Médine. Les Califes Abu Jaafar al-Mansour, al-Mahdi, Haroun Ar-rachid le tenaient en haute estime. Ils lui demandaient souvent conseil et assistaient à ses cours pendant le pèlerinage. On le citait comme exemple dans une maxime qui dit: « Pas de Fatwa à Médine tant que Malik s’y trouve ».

Le Calife al-Mansour demanda à l’Imâm Mâlik de composer un livre qui ferait autorité sur l’ensemble des hadiths du prophète (r) et qui servirait de constitution de l’État. L’Imâm rassembla son célèbre recueil de hadiths intitulé « al-Mouattaa » mais il refusa qu’on lui accordât un caractère officiel de manière à l’imposer, estimant qu’aucun livre, excepté le Livre de Dieu, ne devait s’imposer à l’ensemble des musulmans.

L’Imâm Mâlik fut emprisonné et torturé pour avoir émis une fatwa défiant la politique du Calife. Ce dernier avait décrété le divorce automatique de quiconque romprait le serment d’allégeance qui l’engage envers l’État. L’Imâm déclara que le divorce sous la contrainte était nul et non avenu.

Son école se fonde sur:

  • Le Coran
  • La Sunna (Mâlik n’exigeait pas la célébrité du hadith comme Abou Hanifa, mais il exigeait l’authenticité du sanad « appui »).
  • La pratique des habitants de Médine
  • L’analogie

 

Mâlik privilégie la pratique des gens de Médine à l’analogie et au hadith rapporté par un seul, même authentique. Bien qu’il lui arrive de faire appel au jugement préférentiel, Mâlik n’en fait pas usage autant que Abou Hanifa. Mâlik penche plutôt pour le « taqlid » (l’imitation) que pour la réflexion. La méthode de l’imam Mâlik s’apparente à celle des spécialistes du hadith. Il se limite au réel sans extrapolation à la différence des gens de l’opinion en Irak qui s’étendent aux hypothèses.

Il prend en compte la tradition du compagnon qui, selon lui, prime l’analogie. Sur ce point, il a été critiqué en ce sens que le compagnon n’est pas infaillible. Son école est suivie au Maghreb, au Mali, au Nigeria, au Tchad, au Soudan, au Koweït, au Qatar, au Bahreïn et dans les zones rurales d’Egypte.

  L'école Shafiite (Ashafei: 150-204/769-820)

Son nom est Abdallah Mohamed ibn Idris de la lignée de Abou Talib grand-père du prophète Mohamed (r). Ses ancêtres habitaient la Mecque, mais son père s’établit à Gaza où naquit Ashafei. Après la mort de son père, sa mère regagna la Mecque où l’enfant a grandi comme orphelin.

Après avoir appris le Coran, il s’est penché sur l’étude du Fiqh auprès de grands érudits qui l’ont autorisé à donner des Fatwas dès l’âge de 15 ans. Il effectua des voyages d’études à Médine, en Irak, en Egypte. Il récita de mémoire « al-Mouattaa » devant l’imam Mâlik. Il enseigna en Egypte et y dicta à ses disciples son livre « al-Oum ».

Le mérite d’Ashafei est d’avoir initié la science des fondements du Fiqh. Son œuvre « Rissala » où il développe les règles et les méthodes de déduction et d’interprétation ne cesse de faire l’admiration des juristes et des Faqihs à l’échelle de la planète. Ahmed ibn Hanbal qui était l’un de ses disciples, témoigne: « Achafei était le plus Faqih du monde en matière de Coran et de Sunna ».

Achafei était un homme d’un très bon caractère, généreux, courageux et d’une intelligence rare.

Son école juridique est basée sur:

  • Le Coran
  • La Sunna
  • Le consensus (qui signifie selon lui l’absence de désaccord)
  • L’analogie

 

Achafei s’appuie fortement sur la Sunna ; il admet le hadith rapporté par un seul si le rapporteur est digne de confiance. Il rejette le jugement préférentiel au sujet duquel, il a écrit un livre intitulé: «invalidation de l’istihsan ». Il considère cette règle comme étant une manière de légiférer. Il rejette également la règle de l’intérêt absolu et ne tient pas compte des habitudes des gens de Médine. Il critique la méthode des hanafites consistant à exiger la célébrité des hadiths comme condition de validité.

L’école d’Achafei se situe entre l’école de l’opinion (Irak) et celle des tenants du hadith (Hijaz). Il concilie le rigorisme des uns et la souplesse des autres.

Achafei a élaboré deux écoles. Une en Irak (l’ancienne) et une en Egypte (la nouvelle).

Son école est répandue en Egypte, en Afrique orientale, en Indonésie, en Malaisie, en Thaïlande, en Somalie, au Kurdistan.

  L'école Hanbalite (Ahmed ibn Hanbal: 164-241/778-855)

Son nom est Abu Abdullah Ahmed ibn Mohamed ibn Hanbal Achibani. Né à Bagdad en l’an 164 H, il y poursuit ses études fondamentales. Il effectua des voyages en quête du savoir dans plusieurs pays, notamment au Yémen, à la Mecque, à Médine, en Egypte et en Syrie.

Il se spécialise dans la science du Hadith dont il apprend des milliers par cœur. Les savants lui reconnaissent l’intégrité et l’érudition en matière de Hadith. Ashafei a dit: « J’ai quitté Bagdad et je n’y ai pas laissé de plus pieux ni de plus savant que Ibn Hanbal ». Il a écrit plusieurs ouvrages dont le plus célèbre est « al-Mousnad » qui contient quarante mille hadiths. L’Imâm Ahmed a vécu dans le dénuement le plus complet, tournant le dos aux plaisirs de la vie mondaine, ayant refusé les biens et les privilèges des hautes fonctions. Il refusa la prière derrière son oncle Ishaq et ses cousins à cause de leurs relations avec les autorités. Il fut violemment persécuté et maltraité par le pouvoir en raison de son opposition aux théories sur « la création du Coran ». Malgré la prison et la torture, l’Imâm n’a pas cédé d’un pouce.

Son école juridique se fonde sur:

  • Le Coran
  • La Sunna
  • La tradition des compagnons même d’un seul compagnon pourvu qu’elle ne soit pas l’objet de contestation ou de divergence, auquel cas il choisit la position la plus proche du Coran et de la Sunna.
  • L’analogie en cas de nécessité. Ibn Hanbal est un spécialiste de Hadith et non pas jurisconsulte, mais certains lui reconnaissent les deux qualités. L’opinion personnelle et le jugement préférentiel occupent peu de place dans son école.
    L’école hanbalite tend à actualiser le passé en mettant en relief toutes les valeurs morales, en se conformant au Coran, à la Sunna et aux traditions des compagnons. Son école est appliquée officiellement en Arabie Saoudite et au Qatar.
Suivre une école juridique
  • Il n’y a aucun mal à apprendre le droit musulman dans le cadre de l’une des écoles juridiques, à condition de suivre les arguments de sorte que, si l’école adopte une opinion contraire à un argument juste dans une question donnée, on puisse s’en démarquer. En effet, l’obéissance à Allah (U) et à Son messager (r) prime toute autre obéissance. Il faut en plus, respecter toutes les écoles juridiques et ne pas se laisser guider par l’esprit partisan au point de leur porter la contraction. Il faut plutôt viser la vérité et respecter les ulémas (savants) et leurs avis.
  • La démarche à suivre doit être fondée sur une confrontation courtoise des idées dans le seul but de parvenir à la vérité.
  • Il n’est pas demandé à celui qui n’est pas capable de déduire les arguments qu’il doit fructifier les textes et mener un effort de réflexion pour lequel il n’est pas outillé. Car cela créerait un désordre général. Il est recommandé à celui qui est capable de comprendre, de savoir au moins l’argument de son imam ou de son école. Un disciple éclairé n’a pas le même mérite qu’un imitateur inconditionnel.
  • Le commun des mortels qui n’est pas en mesure de découvrir les arguments et ne peut pas les comprendre à la manière des ulémas, a  l’obligation de suivre les connaisseurs et de les interroger conformément aux propos du Très Haut: ( Interrogez les gens du Rappel si vous ne savez pas).
  • C’est une erreur que de refuser de s’instruire alors qu’on en est capable sous prétexte que seuls les ulémas sont capables de comprendre les arguments.

 

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C
Nécessaire à connaître pour tout musulman
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